Lettre de motivation : quand l’audace paie
18 Octobre 2017
Lu par 3709 personne(s)
Terminés les CV formatés, finis les mails pompeux. Dans le Morbihan, un caviste a pris à l’essai un étudiant dont la lettre de motivation manuscrite égrenait avec humour ses faits d’armes alcooliques.
A l’heure de LinkedIn et des candidatures informatisées, on peut se demander si la bonne vieille lettre de motivation sert encore à quelque chose. Sans équivoque, la réponse est oui. Après un introït aussi affirmatif, reste maintenant à dérouler l’argumentaire, reposant sur la croyance journalistique selon laquelle les faits ne mentent pas.
Pattes de mouche
Voici les faits : il y a quelques jours, le caviste Ty Kav, basé à Séné (Morbihan), postait une annonce sur Facebook en vue de recruter « un étudiant motivé, souriant, dynamique pour des extras ». Quelque temps plus tard, l’entreprise recevait ce qui passerait presque pour un anachronisme : une lettre manuscrite (oui, vous avez bien lu). Alors qu’aujourd’hui ce sont le plus souvent des mails laconiques qui accompagnent les envois de CV par messagerie électronique, cette missive dont les caractères en pattes de mouche avaient été patiemment tracés à la main semblait provenir d’un autre âge, un temps où le hasard de la rencontre interpersonnelle charriait son lot de surprises singulières.
« Le lever de coude étant une passion pour moi, je suis évidemment disposé à venir vous montrer mes compétences. »
« C’est avec un vif intérêt que je vous adresse ce courrier afin de postuler à votre annonce de recrutement. De nature festive, dynamique et motivé, souriant, élégant, votre annonce a retenu toute mon attention. »
A la lecture de ces premières lignes, on semble s’orienter tout droit vers ce qui constitue le principal écueil de cet exercice, à savoir la redite des éléments de l’annonce.
Lorsque, soudain, l’étudiant qui postule à Ty Kav laisse enfin parler son cœur (et un peu son foie, soyons honnêtes) :
« Vins et bières sont des mets que je connais parfaitement. Mais aussi whisky, vodka et autres spiritueux font partie de ma vie quotidienne. Le lever de coude étant une passion pour moi, je suis évidemment disposé à venir vous montrer mes compétences. Seul bémol : ne jamais me laisser seul près d’une tireuse (à vos risques et péril). Ma devise : Horizon pas net, reste à la buvette ! »
La bouteille à la mer d’une subjectivité qui s’assume comme telle : n’est-ce pas cela, finalement, une lettre de motivation ? Dans un monde où les gens ont tendance à devenir aussi irréprochables que des jus détox et où nous sommes invités à afficher un profil sans déviance, cette transparence épistolaire aux relents d’apéro qui s’éternise fait du bien.
Commedia dell’arte
Non, nous ne sommes pas ces hologrammes insipides qui s’emboîteraient parfaitement dans le puzzle du système, mais des individus tous plus ou moins détraqués tentant de surnager au milieu d’une vaste commedia dell’arte. Derrière son éthylisme de façade, cette lettre de motivation devenue virale arrache avec ivresse le voile des apparences, réussissant à tutoyer une forme d’universel de la condition humaine.
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Quant aux états de service du candidat, ils sont à l’unisson : « Tenue de diverses buvettes, Fête de la bière à Monterblanc, Route des vins dans la région bordelaise, Beaujolais nouveau en 2014, 2015, 2016, Rue de la Soif à Rennes sans jamais vomir. » Intrigué par ce parcours copieusement arrosé, Ty Kav a pris le fêtard à l’essai.
lemonde.fr
A l’heure de LinkedIn et des candidatures informatisées, on peut se demander si la bonne vieille lettre de motivation sert encore à quelque chose. Sans équivoque, la réponse est oui. Après un introït aussi affirmatif, reste maintenant à dérouler l’argumentaire, reposant sur la croyance journalistique selon laquelle les faits ne mentent pas.
Pattes de mouche
Voici les faits : il y a quelques jours, le caviste Ty Kav, basé à Séné (Morbihan), postait une annonce sur Facebook en vue de recruter « un étudiant motivé, souriant, dynamique pour des extras ». Quelque temps plus tard, l’entreprise recevait ce qui passerait presque pour un anachronisme : une lettre manuscrite (oui, vous avez bien lu). Alors qu’aujourd’hui ce sont le plus souvent des mails laconiques qui accompagnent les envois de CV par messagerie électronique, cette missive dont les caractères en pattes de mouche avaient été patiemment tracés à la main semblait provenir d’un autre âge, un temps où le hasard de la rencontre interpersonnelle charriait son lot de surprises singulières.
« Le lever de coude étant une passion pour moi, je suis évidemment disposé à venir vous montrer mes compétences. »
« C’est avec un vif intérêt que je vous adresse ce courrier afin de postuler à votre annonce de recrutement. De nature festive, dynamique et motivé, souriant, élégant, votre annonce a retenu toute mon attention. »
A la lecture de ces premières lignes, on semble s’orienter tout droit vers ce qui constitue le principal écueil de cet exercice, à savoir la redite des éléments de l’annonce.
Lorsque, soudain, l’étudiant qui postule à Ty Kav laisse enfin parler son cœur (et un peu son foie, soyons honnêtes) :
« Vins et bières sont des mets que je connais parfaitement. Mais aussi whisky, vodka et autres spiritueux font partie de ma vie quotidienne. Le lever de coude étant une passion pour moi, je suis évidemment disposé à venir vous montrer mes compétences. Seul bémol : ne jamais me laisser seul près d’une tireuse (à vos risques et péril). Ma devise : Horizon pas net, reste à la buvette ! »
La bouteille à la mer d’une subjectivité qui s’assume comme telle : n’est-ce pas cela, finalement, une lettre de motivation ? Dans un monde où les gens ont tendance à devenir aussi irréprochables que des jus détox et où nous sommes invités à afficher un profil sans déviance, cette transparence épistolaire aux relents d’apéro qui s’éternise fait du bien.
Commedia dell’arte
Non, nous ne sommes pas ces hologrammes insipides qui s’emboîteraient parfaitement dans le puzzle du système, mais des individus tous plus ou moins détraqués tentant de surnager au milieu d’une vaste commedia dell’arte. Derrière son éthylisme de façade, cette lettre de motivation devenue virale arrache avec ivresse le voile des apparences, réussissant à tutoyer une forme d’universel de la condition humaine.
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